Subressources

une base de connaissance au sujet des sous-marins.

Le Projet 941

Notes au sujet de la Monographie : Le fait que cette Monographie soit mise à disposition ne signifie pas qu'elle peut être copiée, diffusée sans l'accord de l'auteur. Toutes diffusions partielle ou totale sans l'accord préalable de l'auteur est interdite.

I Les origines

Au début des années 70, les U.S.A lancent un programme de recherche ambitieux pour se doter d'un nouveau missile balistique à ergols solides d'une portée de plus de 7000 km. Par la même occasion, ils conçoivent dans le plus grand secret un nouveau SNLE pouvant emporter 24 exemplaires de ce nouveau missile (Classe Ohio). Ces nouvelles armes surpassent de loin les capacités des projets 667A / AM et 667B / BD. Les dirigeants de l'Union Soviétique demandent alors à leur industrie de fournir une réponse adéquate à cette nouvelle menace.



Les Soviétiques savent que le secret est une donnée capitale. En effet, du fait de l'indiscrétion de la part de quelques marins de L'US Navy et de leur famille, ils ont appris que les Américains arrivent sans trop de difficultés à traquer pendant de longues périodes les SNLE soviétique de la classe Yankee. Par ailleurs, ils savent aussi que les barrières SOSUS ont été renforcées et qu'elles permettent aux Américains d'estimer les routes que vont emprunter les sous-marins sortant des ports de la mer Blanche ou de la Baltique. Il devient alors nécessaire d'opérer des ajustements dans la doctrine nucléaire de l'Union Soviétique. Deux axes majeurs sont proposés :

- Accroître la portée des missiles stratégiques afin de rapprocher au maximum les zones de patrouilles des SNLE des eaux territoriales de l'Union Soviétique
- Lancer la troisième génération de SNLE et de SNA, plus rapides, plus silencieux.


Les données techniques et tactiques spécifiées dans le cahier des charges pour le nouveau sous-marin lanceur d'engins, dénommé Projet 941 Akula, sont proposées au Parti en Décembre 1972. Un an plus tard, le 19 décembre 1973, le projet 941 est adopté par décret et un nouveau missile est mis en chantier. Le projet est confié au Bureau central d'ingéniérie Rubin sous la gestion du Concepteur Général L.D. Spassky, sous la direction du Concepteur en chef S.N. Kovalev, et sous la supervision de V.N. Levashov, pour la Marine.

Le développement du nouveau missile stratégique naval est confié au Concepteur en chef V.P. Makeyev en 1971. Les travaux sur le système d'armes D-19 et le missile R-39 débutent en 1973.

Le cahier des charges du Projet 941 s'affine. Il doit pouvoir se faufiler sous la banquise de l'Arctique, percer des glaces de plus de 2,5 m d'épaisseur, lancer ses missiles en plongée et en surface. Il doit aussi être capable de lancer ses missiles à proximité des eaux nationales de l'URSS, en évitant ainsi la détection des nouvelles barrières SOSUS. Une grande attention est accordée à l'accroissement de sa capacité de détection hydroacoustique. En parallèle, le sous marin K-153 du projet 629 Golf I est modifié en projet 619 Golf V en 1976, afin de mener une série de tests intensifs conduisant à l'acceptation du missile R-39 (SS-N-20 Sturgeon) par la Marine en 1984.

II Description générale

L'architecture des sous-marins du projet 941 Akula / Typhoon consiste en deux coques de 7,2 m de diamètre, assemblées comme un catamaran. Chaque coque comporte une capsule de sauvetage pouvant accueillir la moitié de l'équipage. Les capsules sont réparties de chaque côté du massif.



La tranche torpilles et le PCNO servent de zone de jonction entre les deux coques. Chaque coque est reliée avec l'autre par une série de coursives transversales ( au niveau des compartiments des réacteurs, du compartiment propulsion et de la tranche missiles). L'ensemble compte 19 compartiments étanches. Pour le PCNO et la tranche torpilles, la coque épaisse est réalisée en alliage de titane pour une plus grande résistance et une meilleure discrétion magnétique. Les barres de plongée avant s'escamotent dans la coque tandis que la forme des barres arrières a été étudiée pour augmenter la stabilité du sous-marin.

1- Tubes lance torpilles
2- Sonar
3- Compartiment "Torpille"
4- Propulseur d'étrave avant (Babord)
5- Ballasts
6- Sas accès avant
7- Barres de plongée avant
8- Sas
9- Tube container SS-N-20
10- Portes du pont des missiles SS-N-20
11- PCNO
12- Capsules de sauvetage
13- Mats (Periscope, Communication, etc...)
14- Massif
15- Quille lest (seulement sur certains modèles)
16- Réacteur OK-650BB
17- Compartiments réacteurs
18- Hélices 7 pales
19- Arbre d'hélice
20- Sas arrière
21- Safran (+ de 11m de haut)
22- Plan de dérrive
23- Safran inférieur
24- Tuyères carénée

Plusieurs installations du sous marin ont été pensées pour le bien être de l'équipage (On est loin des installations spartiates des projets Hotel): cabines spacieuses pour les officiers, deux mini-piscines de 2 m de profondeur, salle de détente avec télévision et air conditionné, fumoir, sauna, Solarium, petite boutique, salles de sport. Ce genre d'installation permet à l'équipage de garder toute son efficacité durant les missions de longue durée (plus de 90 jours).

Salon de détente et de jeux...


Borne d'arcade...


Solarium...


Piscine !


Quoique dans le cahier des charges les Soviétiques aient prévu la possibilité d'effectuer des missions de longues durée (plus de 120 jours), les missions de plus de deux mois ont été rares, probablement pour mieux asseoir le contrôle politique sur les équipages. Le cycle opérationnel de ces sous-marins est remarquable, quand on le compare à celui de ses prédécesseurs soviétiques.

III Modifications

De nombreuses modifications ont été apportées au cours du service des six sous-marins, pour l'amélioration de leurs caractéristiques acoustiques, pour le lancement des missiles dotés d'un système de navigation astrale, avec un système d'armes plus moderne, et l'utilisation du système de navigation satellitaire GLONASS. Les dernières grandes modifications ont été celles par la version 941UM. Pour le moment seul le TK-208 en bénéficie. Mais le retard pris dans le développement du Projet 955 Borey laisse à penser que les TK-17 et TK-20 pouvaient laisser penser qu'ils allaient aussi bénéficier de ces modifications.

La gigantesque dérive supportant le safran fait 11m de haut !

IV Armes et systèmes

Le projet 941 est doté de systèmes qui même encore aujourd'hui n'ont pas à rougir des installations occidentales (c'est encore plus vrai suite à la refonte du TK-208 Dimitry Donskoï).

La production d'énergie est assurée par deux réacteurs nucléaires à eau pressurisée OK-650b d'une puissance nominale de 190 MW.


Vue de la partie supérieur du réacteur OK-650BB, Les barres visible sont la partie supérieur des barres de modération.


La vapeur produite permet d'entraîner les deux turbines à vapeurs et les turbo-générateurs. L'ensemble de la structure supportant les machines ont été placés sur vérins et silent blocs afin de réduire le bruit et les vibrations transmises à la coque. Les autorités ont par ailleurs insisté sur l'amélioration des protocoles de sécurité des réacteurs (contrôle du niveau d'énergie, failsafe, triple système de secours, bouclier anti-radiation).

On trouve aussi quatre turbogénérateurs autonome de 3200 kW et deux Diesel-générateurs DG-750. Deux propulseurs d'étrave (un au centre à l'arrière et un à l'avant tribord) sont entraînés chacun par un moteur électrique d'une puissance de 750 kW. A la création du projet 941, beaucoup d'efforts ont été déployés pour réduire son indiscrétion acoustique, avec une insonorisation accrue de toutes les parties du sous marin (y compris les cuisines et les poulaines). Il en résulte, selon certains analystes, une discretion acoustique d'un niveau équivalent à celle des Ohio Américain. Le projet 941 est équipé, en autre, d'un nouveau système de navigation SIMFONYA, d'un sonar anti-mines MG-519 ARFA, d'un sondeur des glaces MG-518 SEVER, d'un radar de veille surface MRKP-58 RADIAN, d'un système de surveillance vidéo MTK-100, d'un sonar actif / passif MGK-503 SKAT-KS avec quatre consoles pouvant traquer simultanément jusqu'à 12 cibles, de deux périscopes (attaque et veille), de deux antennes filaires remorquées de plus de 150 m chacune permettant la réception radio en plongée, de deux flûtes ASM remorquées (seulement pour les TK-208, TK-17 et TK-20).


Les 20 missiles balistiques R-39 pouvant être lancés à une profondeur de 55 mètres, à très court intervalle (moins de 70 secondes selon certains analystes) sans limite de l'état de la mer, ni de la météo en surface. La portée dépasse 10000 km. Chaque missile emporte 10 têtes nucléaires d'une puissance unitaire de 100 kT et possède un système inertiel de rentrée dans l'atmosphère. Les têtes ont un CEP de 500 m.

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L'armement défensif du Typhoon repose sur 6 tubes lance-torpilles de 533 mm avec système de chargement rapide. La plupart des armements soviétiques sous marins peuvent être tirés.

V Programme de Construction

La construction des Akula s'est effectuée au chantier SEVMASH de Severodvinsk (n°402).Cette construction a nécessité l'édification d'un nouveau bâtiment, le plus grand dock couvert au monde.

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Le premier de la classe a été lancé le 12 décembre 1981 et chaque nouvelle unité a bénéficié d'améliorations technologiques. Le programme ne s'est pas fait sans de vives discussions, du fait de son coût prohibitif. Il a donc été décidé de limiter à 7 puis 6 exemplaires le nombre d'unités. Mais le coût n'a pas été le seul obstacle. La taille gigantesque du sous-marin l'empêchait en effet de rejoindre les ports stratégiques de mer Blanche. Entretenir ces engins, et leur armement plus qu'impressionnant nécessita d'entreprendre la construction d'infrastructures colossales que beaucoup estimaient inutiles. De plus la gestion des missiles R-39 rendait les déplacements des éléments très délicats.

VI Activité opérationnelle et état en 2010 - 2011 - 2012 - 2013

Les six sous-marins du projet 941 ont été regroupés au sein de la même diviziya de la flotte du Nord, la 18ème. Leur base se trouve à Nerpichiya. Elle a entièrement été ré-aménagée en 1977 pour accueillir le centre stratégique de commandement de la diviziya. On y a donc construit de nouveaux quais, un véhicule de transport des missiles R-39, ainsi qu'un complexe de maintenance rapide (dock flottant DP-50) et des bâtiments hébergeant les équipes de maintenance à terre.

Comme pour les sous-marins occidentaux, chaque Akula est sous la responsabilité de deux équipages. Ces sous-marins ont eu le plus haut taux d'activité de la flotte du Nord, chacun effectuant en moyenne trois à quatre patrouilles de trois mois par an !

En 1989, la construction du septième Akula, le TK-210, est annulée et il est démantelé avant achèvement. Pour les uns, la cause en est la masse des problèmes financiers de la Russie, pour les autres ce sont les traités de désarmement bilatéraux SALT I et SALT II qui ont été à l'origine de cette décision. Il est vrai que la situation politique de la Russie entre 1990 et 2000 a fortement affecté la flotte du Nord notamment, qui ne disposait plus d'un budget de fonctionnement suffisant pour le maintien en conditions opérationnelles de la majeure partie de la flotte.

Suite aux traités de désarmement et à la situation financière, les TK-202, TK-12 et TK-13 ont été rayés de la liste navale, et ils ont été complètement démantelés, avec l'aide de crédits occidentaux. Les trois unités restantes ont connu un autre sort. Le missile R-39 étant arrivé en fin de vie (probablement du fait du vieillissement des propulseurs à poudre, et de l'incapacité de la seule industrie russe de procéder à leur remplacement), les trois autres unités ont été retirées du service opérationnel. Le TK-208, modifié en projet 941M puis 941UM entre 1989 et 2002 est utilisé pour les essais de lancement du missile balistique BULAVA au test des nouveau logiciels ASM destiné aux projets 955 Borey. Les TK-17 Arkhangelsk et TK-20 Severstal ont été placés en réserve et sont en attente à Severodvinsk. Il a été question à plusieurs reprises de modifier ces trois dernières unités en lanceurs de missiles aérodynamiques, mais aujourd'hui il semblerait que la marine russe envisage de les moderniser avec le missile Bulava (SS-Nx-30) et de les garder en service jusqu'en 2017 au moins. Récemment, il été question de ne pas moderniser TK-17 et TK-20 mais de maintenir les équipages en activité jusqu'au démentellement toujours maintenu à partir de 2017.

VII Vidéo

Lancement en 1984 de TK-12 (Exclusivité Subressource.net) : https://www.youtube.com/watch?v=gPvyqB6hdwo




VIII Analyse de la conception

A) Un cahier des charges difficile

Maintenant que nous avons introduit de façon générale le projet 941, rentrons plus profondément encore dans l'analyse et dans la compréhension de ce sous-marin.

Commençons par jeter un coup d'oeil sur ces deux schémas de principe qui vont nous permettre de mieux comprendre la philosophie du bureau d'étude Rubin.

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Le problème fondamentale du cahier des charges part de la volonté de transporter 24 missiles SS-N-20. Ce nombre a été ultérieurement réduit à 20 uniquement pour des raisons de gabarit. Ajouter 4 missiles aurait allongé le sous-marin de près de 8 mètres. Le sous-marin aurait atteind environ 180 mètres de long et connu un accroissement de tonnage de pratiquement 1000 tonnes supplémentaire. Ce qui, après réflexion aurait engendré un très grand nombre de problèmes, à commencer par la taille de la nef d'assemblage du CGC 402.

En considérant que le SS-N-20 pèse a peu près 90 tonnes, alors que par exemple le SINEVA (R-29) des 667BDRM en pèse moitié moins, embarquer ces missiles en adoptant un design "conventionnelle" se révélait impossible à concilier avec le reste du cahier des charges. La doctrine Soviético-Russe concernant les sous-marins lance-missiles ballistiques depuis la seconde génération est simple :

- Environ 30% de réserve de flotabilité

- Présence de deux réacteurs nucléaires capables chacun d'assurer l'alimentation éléctrique de tout les sous-marin en marche restreinte, en cas de panne de l'un d'en eux,

- Deux systèmes propulsifs toujours pour pouvoir faire face aux pannes.


Ces principes de prudence pourraient laisser croire que le commandement de la marine avaient des doutes concernant la fiabilité et la capacité des chantiers à produire des sous-marins fiables. En réalité, ce sont les impératifs de conception qui ont dictés cette doctrine. D'une part le rendement des réacteurs de la première et de la seconde génération étaient globalement mauvais, d'autre part le tonnage important demandaient une machinerie conséquente.

Transporter 1800 tonnes d'armement stratégique (contre environ 640 tonnes pour les sous-marins de la seconde génération) pose de gros problèmes aux concepteurs. Traditionnellement, depuis la seconde génération, les SNLE étaient conçus "à l'Américaine" c'est à dire comme des sous-marins classiques avec une tranche missile "ajoutée" derrière le massif avec des raccords hydrodynamiques entre la tranche missile et le reste du sous-marin (ce qui explique pourquoi les marins soviétiques appelaient le projet 667 et ses éclinaisons "IVAN WASHINGTON" puisque ces classes reprenaient le concepte américain de la classe Washington).

Mais avec les SS-N-20, adopter cette configuration s'avéra impossible. Ce sont les essais sur le K-153, un sous-marin de classe Golf converti pour les essais du SS-N-20 (photo ci-dessous) qui ont mis en évidence le problème. En plus d'être un missile lourd, le SS-N-20 est aussi un missile long. Avec ses 16 mètres de long et ses 2,4 mètres de diamètre, pas question de les faire rentrer dans une coque épaisse de 9,5 mètres de section en conservant une habitabilité correcte dans le sous-marin. Hors, les concepteurs sont pressés par le Comité Centrale de concevoir des sous-marins dans lesquels les équipages pourraient effectuer de longues patrouilles en mer. Ils s'inquiètent du moral et des risques de mutineries à bord des sous-marins stratégiques. Fournir une excellente habitabilité permet d'éviter le stress et donc de diminuer les situations à risque à bord. C'est ce credo qui caractérise les sous-marins de la troisième génération.



Fort de ce constat, les ingénieurs proposent de reprendre des concepts imaginés pour les projets 717 et 748. Ces derniers ont pour caractéristiques d'être conçus comme des multi-coques. Cela entraîne une nouvelle piste de reflexion pour le projet 941.

B) SS-N-20 : un cauchemar à mettre en oeuvre à bord d'un sous-marin

Lancer un missile balistique en plongé n'est pas une mince affaire. Avec le SS-N-20, celà vire au cauchemar !

Un peu de calcul permettra tout simplment d'en comprendre les raisons.

1) Calcul approximatif du volume du missile :

(pi*1.2^2)*16= 60.3 m3

2) Explication et mise en perspective :

Pour simplifier, disons que le missile est équivalent à un cylindre de 60m3 soit 60 tonnes d'eau. Or le missile pèse 90 tonnes.

Une fois le missile expulsé de sont tube, le sous-marin va se retrouver allégé d'environ 30 tonnes. En effet, le volume occupé dans le tube par le missile sera rempli par l'eau de mer, soit 60 tonnes. Le missile pesant 90, il va manquer pour l'équilibrage 30 tonnes.

Si le sous-marin tir l'intégralité de ses missiles, c'est pratiquement plus de 600 tonnes d'eau à compenser !

Ainsi, le sous-marin doit transporter un bloc composé des missiles, des caisses de compensation de tir et des mécanismes d'ouverture des trappes. On peut donc estimer le poids volumique total de ce bloc de la mannière suivante :

- Missiles : 1800 tonnes
- Caisses de compensation : 600 tonnes*
- Structures et mécanisme : 200 tonnes

soit une masse totale estimé de 2600 tonnes !

*Attention, les caisses de compensation ne sont remplies que lors des tirs des missiles, pour que celui-ci conserve son immersion constante.

On peut voir sur ce schéma ci-dessous la disposition théorique des ballasts et des caisses de compensation des missiles.

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Le "bloc missiles" se retrouve flanqué des deux coques épaisses de 7,20m de diamètre ce qui permet de disposer sur trois ponts, les cabines de l'équipage, les lieux de détente et les espaces de vie commune. Par ailleurs, le bloc missile se trouve très éloignés des deux réacteurs ce qui constitue un argument supplémentaire de sécurité.

3) De la théorie au cas pratique [Exclu Subressources pour scalesub.com]

La pesée du sous-marin doit pouvoir être effectuée de mannière très précise, surtout lors du tir des 20 missiles. Le schéma suivant montre la répartition du volume d'eau dans les ballasts. Ce sont précisément 12557.6 m3 indiqués sur ce schéma qui ont servit à équilibrer le sous-marin (TK-12) en 1987 lors d'un tir de l'ensemble de ses missiles vers le polygône de test de Koura au kamchatka. Le tir de l'ensemble a été avorté après l'explosion du premier missile, cependant, un deuxième à été tiré avec succès. Le sous-marin est rentré au port de Severodvinsk pour une évaluation complète des dégats occasionné par le tir raté. Cependant l'équipage à été récompensé pour sa maîtrise, son sang froid et son professionalisme à maitriser une situation d'urgence.

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A noter que la caisse de compensation (en bleu) indique 540m3 + 120m3 + 59.6 m3 soit 719.6 m3 de caisse de compensation (j'avais fait une estimation à la louche de 600m3 dans l'étude théorique ce qui est cohérent mais supérieur à ce qui est notifié ici en réalité !).

On remarquera les angles d'assiette successifs au lancement qui font tanguer le sous-marin autour de son centre de gravité et les tolérances acceptables.

C) Equilibrage et disposition

Traditionnellement, sur les SNLE la tranche missile se trouve à proximité de la tranche réacteur sur les SNLE. Il est décidé que pour améliorer la sécurité de l'équipage celà ne serait pas le cas ici. Psychologiquement, c'est un avantage indéniable qui permet la différentiation entre le "lieu" de vie et de relation sociale et le "lieu" de travail. Ce point très intéressant va conditionner la configuration de ce sous-marin.

L'avant du massif se trouve sur le centre de gravité du sous-marin. Sous la "capsule" formant les 3 ponts du PCNO, entre les deux coques se trouve le ballast centrale d'un volume estimé à 3000m3 (répertorié 8 - 9 -10 - 18 et 17 sur le schéma donné dans le post précédent). Le ballast avant est composé 8 caisses pour un total estimé de 5000 m3 (1 - 2 - 3 - 4 - 5 - 6 - 7 - 16), tandis que larrière formé de 7 caisses pour un total estimé 4000m3 (11 -12 - 13 - 14 - 15 - 19 - 20). S'ajoutent à cela les trois caisses de compensation citées précédemment.

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Ironiquement et à cause des grandes capacités du ballast, les sous-mariniers surnomment le Typhoon "la citerne à eau sous-marine", car en plongée, plus d'un tier de son volume total est pris par les ballasts !

IX) La nef de construction, requiem industrielle

A) Test Hydrodynamique

Avant d'entamer la construction du projet, une maquette est créer pour tester la configuration hydrodynamique :

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Cette maquette va permettre de pouvoir tester et optimiser le profile hydrodynamique du sous-marin, sa tenue au roulis, au tangage et sa stabilité.
Il est à noter que sur cette maquette les ALR ne sont pas présents mais par contre les stabilisateurs de flanc le sont. Il est fort à parier que c'est la présence des ALR qui justifiera leur suppression sur TK-17 et TK-20.

Bardée de capteurs, elle a permis de connaître les niveaux de bruits et de tester différentes formes pour le massif et aussi pour la coque hydrodynamique.

B) Le CGC 402, la méta-nef de construction

Dès la conception des sous-marins de la seconde génération, les soviétiques font du port de Severodvinsk (Oblast d'Arkhangelsk) un immense complexe militaro-industriel où près de 10 000 personnes travaillent dans les diverses installations, les bassins de carène et de radoubs, les aciéries, les entrepôts...

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En 1939, avant le début de la seconde guerre mondiale (la grande guerre patriotique selon les Russes)une première nef de construction est construite. C'est dans cette nef que vont naître notamment les projets 627 et le plus tard le projet 661.

C'est là que va être construit le plus grand bâtiment qui va abriter la construction des sous-marins de troisième puis de quatrième générations.

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Sur cette vue aérienne, on voit bien l'extension qui a été crée, ainsi que le bassin à écluse qui peut accueillir des docks flottants.

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C'est dans cette immense bâtiment que les Typhoons vont voir le jour...

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Il permet de pouvoir construire trois sous-marins de la troisième génération simultanément.

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C) 1978, bon de commande 711

Après une campagne d'essai de la maquette hydrodynamique de pratiquement 14 mois, les ingénieurs procèdent à la fabrication d'une maquette d'encombrement au 1/10° ce qui permet de valider l'emplacement des installations.

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Au même moment, la Sevmash reçoit la validation du projet et l'ordre de commencer l'assemblage du bon de commande 711. Alors qu'il ne faudra qu'un an aux 1280 ouvriers pour construire TK-20, la construction de TK-208 durera 4 ans !

Quelques semaines plus tard, la construction avance bien. Cependant, la Sevmash doit faire face à de nombreux défis et le projet d'une ampleur titanesque inquiète les dirigeants du chantier.

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De nombreuses voix s'élèvent pour dénoncer le caractère pharaonique du projet, mais la construction continue néanmoins.

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Alors que le massif prend forme, dans la nef n°2 la construction d'un projet 949 débute. Désormais pas loin de 3000 personnes travaillent dans le bâtiment avec un bruit assourdissant. Afin de limiter les nuisances sonores, il est décidé qu'une partie de la conception se ferait dans un autre hangar et que la nef ne servirait qu'à l'assemblage des différents éléments.

Pour les sous-marins de la troisième génération, les ingénieurs ont changé la technique de fabrication. Les ponts et les machineries ne sont plus fixés directement sur la coque mais suspendus par des silents blocs.

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Cela procure un grand avantage au niveau acoustique, permet aux structures d'absorber les chocs et réduit les transitoires indésirables conférant au sous-marin une discretion accrue. Il faudra attendre la fin des années 80 pour que les pays du "bloc de l'ouest" adopte cette méthode similaire de construction ( 688i batch 3, Seawolf, classe Triomphant, etc...). [NDLR : vu que tout le monde réclame la paternité de ce système d'assemblage, on ne peut que rester perplexe devant cet argument]

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Un soin particulier est apporté à la vérification des soudures. Il n'est pas question d'être approximatif. Chaque soudure sera vérifiée par radiographie grâce à une technologie acquise illégalement comme celle permettant la fabrication des hélices à 7 pales...

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La poupe a nécessité un soin particulier. En effet, bien conscients des indiscrétions accoustiques des sous-marins de la seconde génération, les ingénieurs et les ouvriers ont cherchés à optmiser les formes, mais cela à entraîné une somme considérable de problèmes à régler, de techniques à inventer.

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Au moment de la construction, TK-208 recevra un jeu d'hélice à 5 pales, mais qui seront remplacées par des hélices à 7 pales, quelques semaines avant le lancement.

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La fin de la fabrication est proche, nous somme en décembre 1979. Les ouvriers commencent à mettre en place les coursives immergées qui permettent d'avoir accès aux groupes de réserve d'air, aux mécanismes des trappes missiles et aux capteurs des sonars de flanc.

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La forme hydrodynamique du massif et la passerelle sont disposés. Le bon de commande 711 est bientôt prêt à être livré pour la première cérémonie des couleurs, et la mise à l'eau. Cependant, il est loin d'être terminé. Mis à l'eau le 23 Septembre 1980 il lui faudra près d'un an pour être admis au service actif !

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X) Akula ! Américains, tremblez au son de mon silence !

Le lancement de TK-208 est un moment de grande fierté pour l'URSS, et bien que le culte du secret soit constamment entretenue, les renseignements américains réussissent à obtenir quelques clichés (ce ne sont pas ceux montrés ici).

Mc Namara, l'ancien secrétaire de la Défense du Président Kennedy aurait dit en voyant les premiers clichés du renseignement " Quels bande de fils de putes, avec un poisson comme celui là, on va le sentir passer ! ". Il est certains que la réaction des USA allait être à la mesure de la menace que le projet 941 représentait pour eux.

Voici quelques photos de TK-208 dans les années 90 avant son grand carénage pour le transformer en projet 941 UM.

On voit bien les ALR ainsi que les hélices "bananées" à 7 pales...

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Partie avant du pont missile, on distingue le tracé des joints des tuiles anéchoïques...

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Le "bulbe" avant du massif, les lignes sont pures et très géométrique...

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Flanc du massif imposant, on remarque l'escape pod tribod au premier plan...

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Safran massif (11m de haut) et écoutille arrière...

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Superbe vue de la poupe...

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Caspar Willard Weinberger est persuadé que les soviétiques ont conçu le Typhoon pour détruire les USA. Il suggère à Ronald Reagan, que les USA exercent une forte pression sur les Soviétiques et que les Typhoons soient traqués à tout prix et détruits avant qu'ils ne puissent délivrer leurs vecteurs stratégiques. Ses craintes furent relayées par de nombreux amiraux et il semblerait que les 688i batch II et III aient été à l'origine conçus pour remplir plus de missions sous la calotte glacière pour cette unique raison : traquer et couler les Typhoons !

Les analyses mennées par le renseignement aboutissent a schéma de principe suivant :



Selon cette configuration, la MK-48 ADCAP pourrait sans problèmes venir à bout du sous-marin. Hormis le délire de la poupe qui est d'ailleurs complètement farfelue d'un point de vue mécanique, c'est le détail de la coupe où l'on voit les différents ponts et les deux missiles qui est interressant. Les américains aiment le concept de la "forêt de Sherwood", longue enfilade de missiles visibles, guerriers et terrifiants. Ils ont donc reproduit le schéma ici.

Il conviens de noter que la lutte ASM contre les Typhoon était basée sur l'estimation de cette architecture et tout les films de "propagande" parlent de couler un Typhoon comme une chose relativement aisée. La scène du film de Mc Tiernan "A la poursuite d'Octobre Rouge" dans laquelle Jack Ryan doit parcourir les 45 mètres du pont missile est un parfait exemple des conclusions admises. Celà reflète assez bien d'ailleurs ce que pensaient les analystes US et de l'OTAN. Puis en 1989, dans le cadre d'un raprochement USA - Russie un Amiral Américain (Vice Admiral Robert Young “Yogi” Kaufman) est allé à severodvinsk et a visité...TK-17

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Il est indéniable que les Typhoons leur ont donné des suées, peut être plus qu'ils ne veulent officiellement l'admettre. Bien sûr, il y a encore beaucoup d'éléments classifiés rendant difficiles les affirmations dans ce domaine !

XI) START I et II, la mort de TK-12, TK-13, TK-202

Avant de rentrer dans le vif du sujet de cette partie, il est important de préciser que les points de vues divergent quand à l'analyse des origines des actions mennées par la Russie vis à vis de la la Flotte et des composantes de l'armée.

Une chose que l'on peu néanmoins admettre, l'URSS à partir du milieu des années 80 est essouflée, et le dernier plan quinquenale n'arrive pas à atteindre dans les faits les objectifs fixés par le Comité Centrale. Entre corruption, décadence et courses effrenées idéologiques contre les américains (Espace, marine, etc...). La chutte de l'URSS provoque un arrêt de tout les programmes, une dispersion des capitaux, une corruption qui se débride et un nouveau gouvernement qui sous couvert d'ouverture démocratique se laisse dépasser par des interêts mafieux de la part de personnes qui profitent du vide juridique pour faire la mains basse sur des secteurs clé de l'économie.

C'est dans ce contexte d'instabilité politico-financière, que les USA proposent à la Russie le traité START (Strategic Arms Reduction Treaty).

START promesse d'un monde meilleur ?

Pas vraiment, en fait, les USA ont eux aussi des problèmes de finances publique et l'opinion rechigne à continuer des programmes couteux comme la dissuasion nucléaire après la "mort" de l'ennemi. L'objectif de START c'est de permettre au USA de réduire les coûts sans donner l'impression que cette charge deviens difficile à assumer dans le budget de l'état fédérale.

Une des conséquences de START sur la flotte russe concerne la mise en reserve des SNLE, puis de leurs radiations et plus tard de leur démentellement.

Pour le projet 941, la coupe sombre de trois unités est décidé en deux temps. Tout d'abord START I sonne le glas de TK-202 en 1995 alors qu'il sort d'IPER en 1994, puis TK-12 avec START II est mis en reserve en 1996 (Sortit d'IPER en 1992) et TK-13 en 1997, IPER annulé en raison de la signature de START.

Alors que l'on peux invoquer des raisons économiques (non officiellement admis) pour la radiation de TK-13 évitant ainsi une IPER dont le coût est estimé (à l'époque) à 895 millions de Dollars US, la mise en reserve de TK-202 et TK-12 est plus curieuse sachant que ces bâtiments sortaient d'IPER et que de nombreux sous-marin du projet 667A attendaient de lever pour la dernière fois les couleurs de la flotte. La raison est relativement triviale, même si comme toujours rien n'est officiellement admis; les pressions américaines insistante pour que ces "cauchemars" soient mis hors d'état de nuire !

La situation politique en Russie et la complaisance mélé de corruptions pourrait être la cause de l'acceptation de la part de la Russie de mettre en reserve puis de démenteler ces sous-marins. Il est vrai aussi que ces sous-marins exigent une logistique lourde, couteuse et dans le contexte politique de réduction budgétaire; une fois la décision prise de mettre ces sous-marins en réserve le coût de leur réactivation n'était pas envisageable.

Il est aussi interessant de noter que le SS-N-20 arrive en fin de vie et que les premiers essais du SS-N-28 en développement sensé remplacer les SS-N-20 dans les Typhoons subissent une série d'échecs parfois inexplicable, la commision d'enquète pense d'abord à des actes de sabotages avant de classer l'affaire et d'entériner la decision d'abandonner le programme au pofit d'un autre projet le SS-Nx-30 Bulava.

Par ailleurs, il règne un grand flou dans la doctrine de défense de la Russie jusqu'à l'arrivé de Vladimir Poutine à la tête de la Fédération de Russie. L'accident du K-141 Koursk, qui va friser avec l'incident diplomatique mondiale donne au président de la fédération le levier dont il a besoin pour faire passer ses réformes, et reprendre les rennes d'une nouvelle doctrine basée dans un premier temps sur deux axes : Préservation - Restructuration.

A) TK-202, un démentellement dans l'indiférence

Alors que la flotte du nord donne un spéctacle assez accablant de nombreux sous-marin entrains de se décomposer sur les quais, de zone industrielle en friche, et de gens hagard au regard vitreux, TK-202 voit ses deux réacteurs déchargés de leur combustible.

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Il sera ensuite acheminé dans le dock flotant (DP-50 Mod2) du CGC402 pour être démantelé loins du regard de la population au printemps 2003.

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En 2005, un bloc, contenant les compartiments des réacteurs est acheminé dans un lieu de stockage en cours de fabrication (on en reparlera plus tard dans cette article). A noter su la photo en arrière plan le projet 661 Anchar (NATO : PAPA).

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B) TK-12, une Agonie de 10 ans avant son démentellement

Comme nous l'avons vu précédement, alors que TK-12 sortait d'IPER seulement 4 ans auparavant, il fût désarmé et mis en reserve en 1996, il fût rayé des liste de la marine en 1998.

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Il est resté à sa place jusqu'en 2005 avant d'être convoyé jusqu'au port de Severodvinsk. Il est resté ainsi avec un porte missile ouvert et le tube condamné pendant pratiquement dix ans. Il semblerait qu'il ai servi de réserve à pièces détachés pour les autres sous-marin de la division pendant cette durée.

Finalement, son combustible fût déchargé à la fin de l'été 2005...

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Puis il fût démantelé dans le bassin du chantier Zvedochka entre 2006 et 2007.

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TK-12 pendant son service est entré en collision avec le sous-marin britanique HMS Splendid, une partie de l'étrave et la barre de plongée tribord avant à été sévèrement endomagée. L'HMS Splendid aurait perdu son ALR qui fût retrouvée enroulée autour du massif de TK-12.

C) TK-13 une fin médiatisée par le National Geographic

En Mai 2007 après que la glasnost a été complète, TK-13 n°713 est ammaré devant le bâtiment de déchargement des réacteurs nucléaires. Ce bâtiment collecte les barres de combustible ainsi que les fluides de refroidissement en vu d'un retraitement, d'une revalorisation et de la vitrification des déchets à longue échéance.

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Les opérations déchargements commence à la fin de l'année 2007 quand le combustible a atteint une température acceptable...

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Le reportage du National Géographic (premier diffuseur) va nous permettre de découvrir quelques étapes du démantèlement (hélas pas assez à mon goût, car il passe trop de temps dans le reportage à parler du retraitement des déchets radioactif et pas assez sur le démontage dans le radoub )

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Il commence à dépecer le sous-marin afin de l'alléger avant de le déplacer vers le bassin de radoub...

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Ainsi allégé sa position dans l'eau change ce qui rend le remorquage délicat dans le port de Séverodvinsk...

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Une fois disposé dans le bassin le démantèlement va durer 8 mois...

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Noter que TK-13 a gardé ses quilles de flancs... un triste moment

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Voilà le démantèlement est terminé, il ne reste plus que le compartiment réacteur qui sera ensuite amené dans l'aire de stockage longue durée...

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A suivre : XII) SS-Nx-30 code Bulava et TK-208... Le projet 941UM